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22 juillet 2010

Reza - Rwanda

Rwanda

Le Rwanda avait été une scène sur laquelle s’étaient joué tour à tour les massacres, l’exode, la séparation, les meurtres et les règlements de comptes. Au fil des mois, deux communautés qui cohabitaient jusqu’alors s’étaient dressées l’une contre l’autre. De nombreuses familles qui unissaient Hutus et Tutsis se déchiraient. Jeunes filles et femmes mariées furent souvent les premières victimes des exactions. Nombreuses étaient les femmes tutsis assassinées, avec leurs enfants, ou emmenées de force vers les pays voisins pour servir d’esclaves sexuelles. Certaines, enceintes, seront abandonnées sur la route.

Qu’une Tutsi ait été aimée d’un Hutu en temps de paix, ou qu’une autre porte l’enfant d’un soldat qui a abusé d’elle, leur calvaire continue dans leur pays. C’est en ces termes qu’Alfonsine raconta son histoire : « J’ai appelé mon fils Placide, en souvenir de l’amour et de la sérénité que nous partagions, son père et moi. J’avais dix-sept ans. C’était avant les événements de 1994, avant que cette terre ne soit recouverte du sang de la haine. Son père est hutu, je suis tutsi. Lorsque les massacres perpétrés par les Hutus extrémistes ont commencé, suivis des représailles des Tutsis, j’ai choisi de partir avec lui, sur les routes de l’exode. En temps de paix, nous nous serions mariés. Mais cet amour a été victime de l’affrontement des deux camps. Des jours et des nuits, j’ai marché vers l’inconnu, rejetée par les Hutus mais heureuse d’être avec lui. Notre enfant est né. Peu de temps après, son père disparut. Ma place n’était plus parmi les réfugiés hutus : j’avais perdu mon protecteur. J’ai pris Placide dans mes bras, comme une preuve ultime de cet amour, et je suis retournée chez moi.

Dans mon village natal, les miens nous rejettent, l’enfant et moi, comme s’ils voulaient effacer cet amour interdit aujourd’hui. Nous sommes des pari as, objets de la haine et des sarcasmes. Mon frère veut me voler mon histoire, pour sauver son honneur. Il clame que les Hutus m’ont emmenée de force et qu’ils ont abusé de moi avant de m’abandonner enceinte. Mais il n’en est rien. Seul mon grand-père, que ces horreurs ont forcé au repli dans le silence, à l’oubli du passé , nous aime et nous soutient sans condition. » Le vieil homme avai t écouté sans apparente réaction le récit de sa petite-fille. Il prit sa tête dans ses mains. Seules des perles de désespoir dans ses yeux le trahissaient.


Récit de Reza.


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